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Photo du rédacteurMaître Laëtitia BRAHAMI

Le lanceur d’alerte : une procédure d’alerte simplifiée et une protection renforcée.

La loi Waserman du 21 mars 2022, entrée en vigueur le 1er septembre 2022, modifie la loi Sapin II du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui a créé un dispositif de protection des lanceurs d’alerte.



Cette nouvelle loi élargit le statut du lanceur d’alerte, simplifie également la procédure de signalement des alertes et renforce la protection du lanceur d’alerte.


1. Un élargissement de la définition du lanceur d’alerte


Sera désormais reconnue comme lanceur d'alerte la personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.


La loi Waserman modifie donc la définition initiale du lanceur d’alerte puisque le lanceur d’alerte devait initialement agir de « manière désintéressée ». Cette notion est désormais remplacée par l’exigence d’une absence de « contrepartie financière directe ».


Dans un contexte professionnel, le lanceur d’alerte n’a plus l’obligation d’avoir « personnellement connaissance des faits » qu’il signale. Il peut donc désormais signaler des faits qui lui ont été rapportés.


La nouvelle définition du lanceur d’alerte n’exige plus des faits dénoncés qu’ils constituent une violation « grave et manifeste » de la règle de droit ou « une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général ». Il pourra désormais s’agir non seulement de la violation du droit national, international ou européen, mais aussi d’« une tentative de dissimulation » d’une telle violation, voire de simples « informations portant sur un crime, un délit ».


Sont toutefois exclus de l’alerte la révélation de faits, informations ou documents portant atteinte à certains secrets protégés par la loi (secret de la défense nationale, secret médical, secret professionnel de l’avocat, secret des délibérations judiciaires, secret de l’enquête ou de l’instruction.


La liste des personnes susceptibles d’effectuer un signalement interne est également élargi : initialement, seuls les membres du personnel et les collaborateurs extérieurs et occasionnels pouvaient effectuer un signalement interne.


Désormais, cette faculté est offerte aux anciens membres du personnel, aux candidats à un emploi, aux dirigeants, aux actionnaires, associés et tout titulaire de droits de vote au sein de l’assemblée générale, aux membres de l’organe de direction, d’administration et de surveillance, ainsi qu’aux cocontractants et sous-traitants et aux membres de leur organe de direction, d’administration et de surveillance ou de leur personnel.


Enfin, une protection est désormais accordée à l’entourage du lanceur d’alerte :

- les personnes physiques ou morales de droit privé à but non lucratif qui aident un lanceur d'alerte à effectuer un signalement ou une divulgation, désignées par le terme de « facilitateurs », comme par exemple la Maison des Lanceurs d’alerte (https://mlalerte.org)

- les personnes physiques en lien avec le lanceur d'alerte et qui risquent des mesures de représailles dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ;

- les entités juridiques contrôlées par un lanceur d'alerte, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel.


2. Une procédure simplifiée de signalement des alertes


Initialement, avec la loi Sapin II, le lanceur d’alerte devait respecter une procédure de signalement en trois canaux hiérarchisés :


- Le salarié devait d’abord obligatoirement faire un signalement interne dans son entreprise ou son administration : auprès de la DRH ou du représentant légal ;

- En l’absence de prise en compte de cette alerte, il pouvait ensuite faire un signalement externe (à l’autorité administrative : inspection du travail, Procureur de la République, Défenseur des droits, CNIL, AMF, Autorité de la concurrence, Agence française anti-corruption…) ;

- Puis, en dernier recours, il pouvait procéder à une divulgation publique (réseaux sociaux, presse, télévision…).


Désormais, le lanceur d’alerte peut choisir librement entre le signalement interne ou le signalement externe. Il n’y a plus de hiérarchisation des canaux de signalement.


Parallèlement, le canal de signalement externe est précisé et renforcé puisque les autorités pouvant recevoir les alertes et les traités sont diverses :

- Le Défenseur des droits (https://www.defenseurdesdroits.fr)

- L’Autorité judiciaire : le Procureur de la République

- Les autorités administratives, les autorités administratives ou publiques indépendantes, les ordres professionnels et les personnes morales chargés d’une mission de service public, les institutions ou organes de l’Union Européenne compétent pour recueillir ces informations ;


Les cas de divulgation publique sont étendus mais limités à trois situations :

- Lorsque à la suite d'un signalement externe, précédé ou non d'un signalement interne, aucune mesure n'a été prise en réponse au signalement dans les délais fixés par décret ;

- en cas de danger grave et imminent, sauf lorsque le lanceur d'alerte agit dans le cadre de ses activités professionnelles.

- lorsque la saisine des autorités fait courir au lanceur d'alerte un risque de représailles ou ne permettrait pas de remédier efficacement à l'objet de l'alerte. L'alerte publique sera également possible si le lanceur d'alerte a des motifs sérieux d'estimer que l'autorité est en conflit d'intérêts, en collusion avec l'auteur ou impliquée dans les faits objet de l'alerte.


Une procédure interne de recueil et de traitement des signalements est désormais obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, laquelle doit être mise en place selon les modalités fixées par le décret du 3 octobre 2022.


L’employeur choisit librement l’instrument juridique de diffusion de la procédure de signalement : accord collectif, note de service, charte…


Cette procédure est soumise à des garanties d’indépendance, d’impartialité et de confidentialité. La confidentialité concerne désormais tout tiers mentionné dans l’alerte et non plus uniquement le lanceur d’alerte.


3. Une protection renforcée du lanceur d’alerte


La loi Waserman du 21 mars 2022 renforce la protection du lanceur d’alerte et élargit son immunité pour la commission de certaines infractions pénales nécessaires à la révélation de faits illicites. Elle renforce les mesures de protection contre les risques de représailles professionnelles et aggrave les sanctions encourues à l’encontre de ceux qui entravent l’exercice du droit d’alerte ou exercent des procédures abusives ou des mesures de représailles (dont les menaces et tentatives de recourir à ces mesures).


Tout acte pris relatif à l’une de ces mesures sera nul de plein droit.


L’irresponsabilité civile du lanceur d’alerte est consacrée pour les préjudices découlant de son alerte de bonne foi. En effet, dès lors que le signalement ou la divulgation était considérée comme nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause, le lanceur d’alerte est considéré de bonne foi et ne pourra pas être tenu civilement responsable des dommages causés.


Parallèlement, l'irresponsabilité pénale du lanceur d'alerte et de ses complices est élargie lorsqu’il y a eu soustraction, détournement et recel de documents confidentiels, à condition que l’accès aux informations contenues dans ces documents ait eu lieu « de manière licite ».


Parmi les nouvelles mesures introduites pour renforcer la protection des lanceurs d’alertes, on retrouve, en autre :

- L’introduction du lanceur d’alerte à l’article L.1121-2 du code du travail relatif au principe de non discrimination ;

- La pénalisation des représailles sous l’angle de la discrimination (l’article 225-1 du code pénal inclus désormais les lanceurs d’alerte).

- L’abondance du compte professionnel de formation du lanceur d’alerte


Le rôle du Défenseur des droits, qui est une autorité administrative indépendante, est également renforcé dans la protection des lanceurs d’alerte :


- Une adjointe au Défenseur des droits chargée d’accompagner les lanceurs d’alerte est nommée.

- Le Défenseur des droits peut rendre une décision visant à reconnaitre à un salarié la qualité de lanceur d’alerte et il peut décider de représenter cette décision en justice dans le cadre d’un contentieux.


L’actualité juridique récente a montré que la Cour de Cassation attache une attention particulière à la protection du lanceur d’alerte : (Cass. soc., 1er février 2023, n° 21-24.271, FS-B)


Dans cette affaire une salariée était licenciée pour avoir signalé des soupçons de corruption et de trafic d’influence au sein du groupe THALES, la Cour de Cassation s’est prononcée sur le fait que les lanceurs d’alerte doivent pouvoir avoir accès au référé prud’homal pour demander leur réintégration en urgence et éviter ainsi une dégradation majeure et durable de leur situation. Par cette décision, la cour de Cassation confirme, s’il était besoin de le préciser, qu’il appartient également au juge des référés de rechercher si l’employeur rapporte la preuve que le licenciement est justifié par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou témoignage de l’intéressée. A défaut, il doit prononcer la réintégration à son poste du salarié lanceur d’alerte.

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